Interrogations...

La neige tombait doucement, il s’en laissait recouvrir, observant chaque flocon qui voletait devant ses yeux. Ses pas n’avaient laissé aucune trace dans la fraîche couche duveteuse au sol, seul le blanc l’entourait. Etait-il debout, assis ou même allongé ? Aucun de ses sens engourdis ne lui permettait de le deviner. Il ne sentait pas même le froid, comme cette fois où il avait accompagné sa mère au refuge souterrain des évadées.
Ou plutôt des libérées, car c’est comme ça qu’elles se nommaient entre elles. C’était son père qui les appelait les évadées, comme le faisaient tous les membres de la milice Ermadhi.
Cette fois là, il avait fallu toutes les connaissances d’une vieille Sorhna pour éviter qu’il succombe au froid. Depuis, il était devenu un homme et avait traversé de nombreuses fois les mirages du froid. Le plus grand danger s’était présenté lorsqu’il s’était endormi, épuisé, le bras gauche déchiré par les griffes du grand félin. Seules la chaleur de sa toison et de son haleine moribonde lui permirent de résister à la tempête de glace qui sévissait. Ça, et bien sûr le petit qui l’avait éveillé de ses miaulements affamés. D’ailleurs, il lui semblait encore les entendre…

Ifrah’ bondit de sa couche.
- Ta bête a faim, lui dit brusquement Iëcha, et elle n’accepte pas d’être nourrie de ma main !
Alors qu’Ifrah’ se levait pour rejoindre son félin, il chancela et dût se rattraper au bras de la sorcière. Son contact était aussi froid que son regard.
- Doucement mon garçon, tu as perdu beaucoup de sang, expliqua-t-elle.
Tout lui revint brusquement et ses yeux s’ouvrirent enfin. L’obscurité n’était pas celle de la galerie des réfugiées ; les énormes blocs de pierre taillée, l’odeur moisie, les flaques verdâtres, le souffle glacé, Ifrah’ était dans les entrailles du Pénitencier de la Dent. Il luttait pour révéler les manigances des Sœurs. Il retira vivement sa main du bras d’Iëcha.
- Où est le Cheikh ?
- Ne te défie pas de moi, tu n’as rien dit durant ton sommeil qui puisse compromettre ta mère ou ses amies. Profitant de l’hébétude de son interlocuteur, la sorcière blanche enchaîna.
- Le Cheikh est allé interroger les prisonniers. Avale ça et suis moi !
Ifrah’ saisit la poignée d’herbes que lui tendait l’alchimiste en hésitant.
- Avale, que tu puisses le rejoindre !
Le goût était fort et épicé, il était aisé de sentir que les herbes avaient trempé dans le Mesh, l’alcool de lichen des Ermadhis. Le belluaire fut immédiatement fouetté par leur effet et suivit docilement Iëcha, sourd aux feulements de son compagnon.
L'activité lui fit momentanément oublier les questions qu’un instant auparavant il s’apprêtait à poser à la panthère blanche.

Lorsqu’ils débouchèrent à l’air libre, ses interrogations revinrent à Ifrah’. Mais il n’était plus temps d’interroger Iëcha. Parmi les cages mobiles regroupées dans ce qui était, au vu de la végétation, une ancienne promenade, s’étaient regroupés les Aurloks récemment rencontrés.

- Ne cherchez pas l’affrontement ! Seuls les prisonniers et ce qu’ils ont à dire nous intéressent.
L’avertissement du Kabircheikh stoppa net l’élan d’Ifrah’. Il remarqua alors qu'Iëcha avait fait demi-tour, où allait-elle donc ?
Profitant de leur rapidité, les Khalimans s'étaient rapprochés des différentes cages bien avant que les Aurloks n'aient commencé leurs mouvements. Ifrah' rejoignit alors le Cheikh près de la cage centrale.

Une diplomate du nom de Dahlia s'était jointe à Hakim, son influence devait être déterminante pour obtenir les renseignements des prisonniers.

Les désirs du Cheikh étaient simples, mais les Aurloks n'en tenaient aucun compte et le Cheikh ne pouvait être partout pour leur expliquer ! Le guerrier loup rencontré la fois précédente se souvenait trop bien des provocations d'Ifrah'. Il se précipita sur la diplomate et l'abattit en quelques secondes...

La chute si rapide de leur maîtresse porta sérieusement atteinte aux Ghulams qui formaient sa garde. Ceux-ci eurent alors beaucoup de mal à résister aux assauts répétés des Aurloks. Ces derniers semblaient avoir mal digéré l'affaire des rats et attaquaient de tous côtés, laissant peu de chance aux Khalimans d'interroger les prisonniers.

L'un après l'autre, les Khalimans étaient assommés par les puissants Aurloks.
Ifrah' était resté près du Cheikh pour l'assister dans l'interrogatoire du prisonnier au centre de la place. Son témoignage était apparemment capital.
Un Aurlok couvert de boue, que le Cheikh n'avait pas encore remarqué, lança alors une, puis deux et enfin trois ruches aux pieds des deux Khalimans.

Si les piqûres ne firent rien au Cheikh, il n'en fut pas de même pour le belluaire.
Devant la chûte de ses compagnons, Ifrah' décida alors d'aller seul interroger un autre prisonnier pour ne pas laisser les Aurloks leur soutirer toutes les informations.

Mais il était encore trop faible et l'effet des herbes au Mesh s'était certainement réduit. Ifrah' succomba à l'attaque des abeilles.
Le Kabircheikh dût terminer seul d'interroger les prisonniers, mais ceux-ci n'avaient plus rien à dire. L'interrogatoire des Aurloks avait été bien trop efficace et ceux-ci s'éloignaient avec leurs renseignements...

Le Cheikh, dépité, réveilla alors ses compagnons. Dahlia lui apprit qu'elle avait vu un autre groupe de prisonniers dans une cour adjacente. Les Khalimans devaient absolument obtenir des informations sur les évadés, les conditions de leur évasion et l'endroit où ils se rendaient.

La seconde cour se présentait exactement comme la précédente. Faisant fi de leur état de fatigue et de leurs blessures, les Khalimans s'y dirigèrent.
Malheureusement, cette cour n'était pas plus libre que la précédente. Ici, c'étaient des hommes de la Triade qui voulaient leur disputer les prisonniers.

Leur Capitaine chargea un Ghulam sous le regard d'Ifrah'. Le Kabircheikh avait commis l'erreur de les laisser passer devant et n'arriva qu'un peu tard pour calmer l'ardeur du Capitaine, le Ghulam était blessé.

Profitant de leur expérience récente, les Ghulams protégèrent leur maîtresse des attaques sournoises des Ombres bondissantes et des puissantes sentinelles.

Cette fois, le Kabircheikh avait obtenu les informations qu'il désirait. Ifrah' se fit un plaisir d'en rire au nez du Capitaine. Il ne restait plus aux Khalimans qu'une toute petite information à obtenir pour en connaître assez.

C'est alors que surgit l'alchimiste de la Triade. Il s'approcha des deux geoles où se tenaient l'ensemble de ceux qui voulaient interroger les prisonniers, hommes de la Triade et Khalimans. Après une invocation brève mais puissante, il se mit à tournoyer de plus en plus rapidement, faisant naître un vent violent.
La tornade ainsi générée fit s'envoler tous ceux qui étaient autour, en assommant la plus grande partie.

Seul restait debout un Toureg qui s'approcha de la geole pour voir le prisonnier se confier au Capitaine avant d'expirer.
Le Kabircheikh et ses compagnons avaient subi là un sérieux revers.

Ifrah' se mura dans un silence de mauvais augure...

Comments

[Sam Sagace]

Bon .... on avance, mais j'ai l'impression qu' Ifrah' n'en a pas fini de toute cette histoire! Par bonheur, il résiste bien à toutes ses blessures, finalement!

[giLel]

Vraiment original comme scénario, ça change de ce que l'on rencontre habituellement. Bravo.