Un long fleuve tranquille (2)
Il y avait un tel silence qu'il entendait le sang circuler dans ses tempes. Il était seul dans un monde insonore.
Partout autour de lui une lumière vive et diffuse régnait. Il voyait, mais ne comprenait pas ce que ses yeux enregistraient. Quelles étaient ces choses qui flottaient au-dessus, au-dessous et à côté de lui ? Où était-il ?
[...]
Il était environné, à perte de vue, de corps qui flottaient en rangs verticaux et horizontaux. Les rangées verticales étaient délimitées par des tiges rouges situées à vingt centimètres de la tête et des pieds de chaque dormeur. Il y avait un intervalle de deux mètres entre chaque corps et son voisin du haut et du bas.
[...]
Apparemment, parmi cette multitude de corps, lui seul était conscient.
Tout en poursuivant son mouvement de rotation à un rythme qu'il évaluait à un tour complet toutes les dix secondes, il aperçut quelque chose qui le surprit. Cinq rangées plus loin, il y avait un corps qui paraissait humain à première vue mais n'appartenait certainement pas à l'espèce Homo Sapiens. Il avait quatre doigts, dont un pouce, à chaque main, et quatre orteils à chaque pied. Son nez et ses lèvres, comme du cuir noir, évoquaient le museau d'un chien...
PJF - 1971