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Au bord du Fleuve
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22 juillet 2014

Un hiver au chaud

Je n'étais à l'époque qu'un jeune soldat en garnison à Karm-0, la cité minière idéale au bord de l'océan d'Ire. Nos guides-dirigeants avaient fait bâtir cette ville parfaite comme modèle de la République. Les mineurs y logeaient dans des maisons de briques fonctionnelles toutes semblables et pouvaient se ravitailler à loisir, à la fin de leur journée de travail, dans les boutiques du parti. Leurs enfants pouvaient même accéder chaque jour à l'école libre socialiste qui les formait à l'égalité internationaliste en attendant leur dizième année où ils rejoignaient leurs parents à l'extraction du charbon.

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Nous, braves soldats de la République, n'avions pas à nous plaindre non plus, en dehors du froid qui pénétrait nos manteaux lors de nos nuits de garde. La cantine était bonne, nous offrant chaque jour un épais bortsch dont la dense couleur rouge égayait nos soirées et nous rappelait notre mère république. Les femmes du bordel voisin étaient accueillantes et bon marché, c'est avec elles qu'on effaçait nos nuits glaciales entre camarades.

Cette année là, l'hiver n'en finissait plus. Il avait déjà duré un mois de plus que les années précédentes et, chaque jour, la température baissait encore.
Les mineurs commencèrent à se plaindre. Dès qu'ils sortaient de la mine pour rejoindre leurs habitations, le froid les prenait au ventre, affirmaient-ils. Ils voulaient eux-aussi le droit de se réchauffer.

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Les autorités ne furent pas immédiatement averties et mirent donc un certain temps à réagir. Dès qu'il fut informé, le commissaire politique contacta le bureau central, puis réunit la population des mineurs.
Il s'adressa à eux en termes simples, disant qu'il les avait compris et partageait leur colère. La République était assez forte pour les aider à lutter contre le froid qui les prenait au ventre. Le Parti offrirait à chaque mineur, à la fin de chaque journée de froid supplémentaire, une bouteille de Déjivre de tubercule, une bouteille à 60° !

Si quelques mineurs applaudirent, beaucoup huèrent le commissaire qui n'avait pas compris leur demande et appelèrent à la grève générale tant que leurs revendications ne seraient pas entendues.

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Armés de leurs seuls outils, les mineurs grévistes se réunirent autour de notre caserne et érigèrent des barricades. Nous avions, nous les braves soldats socialistes, compris ce que réclamaient les mineurs pour réchauffer leurs ventres : ils tentaient de s'approprier les bordels voisins et nous empêcher d'y accéder.

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Mon sang ne fit qu'un tour : la République ne pouvait pas permettre ça !
Sans prendre le temps d'en rendre compte à mes officiers, j'appelai tous mes camarades à la rescousse et leur expliquai brièvement la situation. Il ne me fallut pas longtemps pour les convaincre. L'armurerie fut ouverte et chacun s'y équipa dans un parfait ordre militaire.

Je menai la charge malgré la neige qui s'acharnait à nous tomber dessus.
Il ne nous fallu qu'une petite demi-heure pour faire aboutir les négociations et terminer la grève.

Le lieutenant me remit la médaille du Parti pour cette habile négociation et m'accorda le grade de sergent pour diriger le recrutement de nouveaux ouvriers dans l'ouest. A titre de gratification pour l'ensemble de la compagnie, les veuves des mineurs furent embauchées au Pavillon Rouge et d'accès libre pour toute une semaine.

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Commentaires
S
A les clubs de vacances et leurs gentils commissaires ....
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